Interrompre un suivi médical sans raison valable, c’est s’exposer à la triple lame : disciplinaire, civil, pénal. La loi ne transige pas sur la continuité des soins. Même lorsque le dialogue déraille ou que le désaccord s’installe, le professionnel de santé n’a pas la latitude de couper le lien du jour au lendemain.
Cela dit, la rupture du suivi médical n’est pas un tabou. Elle reste possible, à condition de suivre scrupuleusement la procédure : informer le patient, préparer la transmission du dossier, assurer la poursuite des soins urgents si besoin. Toute faille dans cette chaîne peut engager la responsabilité du soignant.
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Consentement du patient : un droit fondamental et ses implications
Le consentement du patient s’impose comme la pierre angulaire de la relation médicale. Le code de la santé publique en fait une obligation : le patient décide, le soignant accompagne. Impossible d’agir sans ce feu vert, même implicite. Avant chaque acte, l’équipe doit présenter une information claire, loyale et adaptée. Le consentement, ce n’est pas une signature sur un formulaire, c’est un dialogue, une compréhension mutuelle. Sans cet échange, impossible de parler de consentement libre et éclairé.
Ce principe irrigue toutes les pratiques. Le patient peut donner son accord, le retirer, le renouveler, à n’importe quel moment. Les professionnels de santé, qu’il s’agisse du médecin traitant ou de l’infirmier libéral, ont la responsabilité d’expliquer les avantages, les risques, les alternatives. Si un patient refuse des soins ou si un professionnel souhaite mettre fin à l’accompagnement, la règle impose la transparence : expliquer les raisons, prévenir le médecin référent, transmettre les éléments nécessaires à la poursuite du suivi.
Le Comité consultatif national d’éthique insiste sur ce point : la technique médicale ne doit jamais écraser la liberté du patient. Prenons le cas d’un refus de traitement : la décision appartient au malade, mais le professionnel doit soutenir, informer, documenter précisément. Tout l’enjeu est là : préserver une relation de confiance, garantir une alliance thérapeutique solide tout en respectant la volonté de la personne.
Refus de soins : quelles limites à l’autonomie du patient et au devoir du médecin ?
La liberté du patient de dire non à un acte médical ne s’applique pas dans un vide. Face à elle, le devoir de continuité du professionnel prime. La législation impose au soignant de poursuivre la prise en charge, sauf cas de force majeure d’ordre personnel ou professionnel. Il s’agit de veiller à la sécurité des actes, à la qualité des soins, et de ne jamais sortir du périmètre de ses compétences.
Voici les principales situations qui peuvent justifier un refus ou une fin de prise en charge :
- épuisement professionnel,
- perte de confiance,
- nécessité de maintenir la qualité ou la sécurité des soins,
- dépassement du champ de compétences,
- recours à la clause de conscience (par exemple pour l’IVG ou la recherche sur l’embryon).
En revanche, toute discrimination est formellement interdite. Nul professionnel n’a le droit de refuser un patient pour son origine, son handicap, son orientation sexuelle ou sa situation sociale.
Lorsqu’un soignant se retire, il doit impérativement orienter le patient vers un confrère ou une structure adaptée. Cette passation n’a rien de symbolique : le professionnel doit attendre que le relais soit assuré avant de se désengager. À l’hôpital, la continuité des soins doit être totale, sans rupture brutale. L’existence d’une liste des infirmiers inscrits à l’ordre permet d’organiser cette réorientation dans l’intérêt du patient, tout en préservant la coordination de son parcours de soins.
Éthique et législation face à l’abandon de patient : responsabilités et conséquences pour les professionnels de santé
Prendre la décision d’arrêter un suivi sans relais, c’est franchir une ligne rouge. L’abandon de patient engage à la fois la conscience professionnelle et la loi. Le code de déontologie est formel : toute interruption injustifiée, sans relais ni explication, constitue une faute grave. L’ordre national des infirmiers et les instances disciplinaires surveillent de près le respect de la non-discrimination et la continuité du suivi.
La loi distingue nettement les situations légitimes, épuisement, mésentente irréconciliable, menace sur la sécurité, de l’abandon pur et simple, sans justification. En cas de problème, le patient dispose de plusieurs recours :
- Conseil (inter)départemental de l’ordre des infirmiers pour solliciter une conciliation avant toute poursuite disciplinaire,
- Défenseur des droits ou organisme local d’assurance maladie s’il existe un soupçon de discrimination,
- Associations agréées d’usagers du système de santé pour accompagner et conseiller dans les démarches.
Aucun professionnel ne saurait échapper à l’exigence d’égalité d’accès aux soins. La discrimination, qu’elle porte sur l’état de santé, l’origine ou la précarité, expose à de lourdes conséquences : sanctions disciplinaires, pénales, décisions du Conseil d’État et condamnations civiles. Chaque choix doit être argumenté, chaque cessation de soins documentée, et le passage de relais effectif avant tout retrait.
Renoncer à un patient ne se fait jamais à la légère. Entre contraintes humaines et exigences légales, la frontière est nette : soigner, c’est s’engager jusqu’au bout. Faillir à ce principe, c’est risquer bien plus qu’un simple rappel à l’ordre.